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vendredi 12 mars 2010

Ce bon métier d’infirmier psychiatrique !

Publié le 26 avril 2009 par Sineurbe.  Merci à Denada Nada pour l'envoi de cet article
 
En règle générale,on pourrait penser que les individus qui ont choisi de « soigner » ont été scrupuleusement sélectionnés par les écoles de formation et possèdent donc les qualités nécessaires de respect, d’altruisme, d’empathie, de solidarité . Et devraient être entre eux des collègues de travail idéaux .Or, quand on fréquente les équipes soignantes,on s’aperçoit vite qu’il n’en est rien . A l’hôpital, comme dans le reste de la société, on trouve des gentils, des méchants, des hypocrites, des menteurs, des fainéants, des peureux, des pervers et évidemment des bonnes poires .
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Question fonctionnement, la gente hospitalière soignante est un peu divisée en castes, avec une hiérarchie bien présente . En psychiatrie, cela pourrait sembler à première vue différent, puisque les chefs font facilement la bise aux infirmières, puisque les médecins parfois se laissent tutoyer  … mais, il ne faut pas s’y fier, la hiérarchie est malgré tout bien présente, et lorsqu’elle sort de l’ombre, elle frappe encore  plus fort qu’ailleurs .
En théorie aussi, la spécificité de la psychiatrie voudrait qu’on ait une meilleure aptitude à utiliser la parole…Or là aussi il n’en est rien . En réalité, c’est là que les gens se parlent le moins, et si en apparence ils passent beaucoup de temps à parler, c’est souvent pour ne rien dire ou pour éviter d’aborder les choses importantes .
Sans le savoir, ou en le sachant trop, les relations entre soignants reposent sur le mode « autorité-soumission » auquel se rajoutent inévitablement ceux de séduction, manipulation, etc…

En résumé, si vous avez opté pour travailler en psychiatrie, sachez que les coups les plus durs ne vous seront peut être pas donnés par les malades .

Ceci dit accueillir la souffrance de l’autre n’est pas chose aisée, sans risque et sans conséquence, surtout quand cette souffrance est due à une pathologie mentale . Malgré tout l’arsenal de paravents déployé par notre psychiatrie moderne : protocolisation tout azimut, clinique comportementaliste axée sur l’éradication du symptôme, usage intensif des contentions, surinvestissement grandissant des fonctions gestionnaires et des « missions transversales », inévitablement la souffrance du patient atteint le soignant . Malgré toutes nos tentatives d’aseptisation du soin,  les mécanismes de défense de chacun entrent en action et mobilisent des affects qui, s’ils ne sont pas réfléchis et travaillés, vont entraîner une réelle augmentation de souffrance chez le soignant .

Alors il faut parler, il faut en parler . C’est là toute la difficulté ! Parce que même « bons soignants », et spécialistes patentés , on est pas très différents des autres.  Pour nous aussi, la parole ne représente que 7% de la communication entre humains .
Le reste, le non-dit, et bien c’est tout ce que le patient peut voir, percevoir, ressentir de nos contre attitudes, de nos peurs, de nos absences, de notre manque de confiance .
Nos meilleurs médicaments, nos meilleurs protocoles ne remplaceront jamais l’indispensable relation de confiance dans le soin ; Relation de confiance avec le patient certes, mais ce qui est plus dur, entre soignants eux-mêmes .
Un patient âgé, en profonde dépression  qui avait tenté de mettre fin à ses jours et qui conservait cette envie de mourir, se confiait :
–« Ils sont gentils les médecins, les infirmières, ils s’occupent bien de moi, mais je vois tellement qu’ils font semblant d’y croire ! »
–« Et oui, le plus dur dans ce métier, c’est de ne pas faire semblant ! »

Soigner c’est y croire et savoir prendre des risques .

L’univers médical de la psychiatrie est prisonnier de ce paradoxe de la double fonction du soignant : il doit à la fois contrôler et soigner . Il doit à la fois user des contraintes, des médications forcées, obéir à l’ordre sécuritaire et avoir une écoute attentive, favoriser le consentement éclairé et établir l’indispensable confiance .
Certains infirmiers portent à leur trousseau de clés, le matériel nécessaire pour attacher les patients (clés spéciales ou aimants) . Ils semblent s’être mieux accommodés que d’autres à cette fonction . En tout cas ils sont prêts pour intervenir rapidement sans trop de scrupules .N’y a-t-il pas confusion entre soin et sécurité ?mchantinfirmier.jpg
Dans de nombreux pays, la contention est assimilée à un acte sécuritaire et non thérapeutique, visant à la protection du personnel et du patient .
En France, il n’y a pas de cadre législatif autorisant les infirmiers à l’utiliser ou même à recourir à la force physique pour contenir un patient . Est-ce que ce geste est considéré comme un acte infirmier ?As-t-on mis en place des formations théoriques et pratiques pour se servir des attaches, pour gérer la violence ?
Curieux pays que celui des droits de l’homme qui s’accommode d’un tel vide juridique dans ses hôpitaux psychiatriques .

De tous les soins pratiqués par l’infirmier, la contention est de loin celui le plus impliquant émotionnellement et paradoxalement le moins réglementé par des textes de lois spécifiques .
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En tout cas celui dont on parle le moins .
Cet état de fait entretient l’opacité . La contention est un sujet tabou, douloureux et culpabilisant qui entache l’image du bon soignant dévoué dans sa vocation sacerdotale .
Alors qu’il s’agit d’une pratique qui revient en force dans les milieux psychiatriques ! Et l’on sait par ailleurs qu’aucune étude sérieuse n’a jamais pu démontrer l’efficacité thérapeutique de la contention .
Nombreux sont les soignants qui se sentent mal à l’aise dans ce rôle sécuritaire qui devient de plus en plus prédominant . La psychiatrie se débat dans ses contradictions .


1 commentaire:

  1. Je suis infirmière psy, mais de celle qui fait partie aujourd'hui des dynosores, formée à l'ancienne école qui permettait d'obtenir l'obtention du fameux diplome d'infirmier(e) en psychiatrie...
    Cette formation qui fait partie d'un autre âge, nous faisait profiter d'une expérience non négligeable celle des "anciens". Ces infirmiers que l'on cataloguait de "chroniques" à l'image des patients dont ils avaient la charge. Combien d'entre eux nous ont appris à écouter, observer, échanger, partager aussi avec ses patients en difficulté de vie. De violence, il y en avait bien moins qu'aujourd'hui je trouve. Les contentions étaient utilisées dans un but de sécurité pour le patient plus que pour la notre. Je ne me souviens pas à l'époque m'être trouvée en danger.
    D'autre part, cette formation qui se pratiquait au sein même des HP, avait l'avantage de nous imprégner "d'une culture psy" qui n'existe plus. Et c'est cette non imprégnation qui manque aujourd'hui.N'est pas infirmier(e) qui veut et encore moins infirmier(e) psy.
    Il ne faut donc pas s'étonner d'en arriver à de tels débordements et il est facile aujourd'hui de s'en prendre à cette fonction.
    De plus, le travail en équipe était de loin beaucoup plus investi,les médecins écoutaient d'avantage et tenaient aussi un peu plus compte de la parole des personnels soignants.Ils se trouvaient bien moins dans la toute puissance de leur savoir. Il y avait une réelle collaboration qui n'existe plus et qui fait cruellement défaut.
    Au final, c'est le patient qui subit de plein fouet ces manques.
    Je travaille aujourd'hui dans un secteur dit fermé, les contentions, nous ne les utilisons quasiement pas. Mais. Nous sommes très présent et à l'écoute, nous avons à coeur de former les jeunes à notre façon de voir notre métier et nous y arrivons avec certes beaucoup d'énergie dépensée. Reste à faire suivre les médecins mais ça c'est une autre histoire...

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