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vendredi 8 janvier 2010

Le mouvement vert et la violence en Iran


Dans une lettre très remarquée adressée aux iraniens de l’étranger, Ezatollah Sahabi, figure politique très importante de la mouvance nationale et religieuse, formule deux demandes qui, à ses yeux, sont à ce stade primordiales pour la réussite du mouvement vert:
  • Le mouvement vert doit tout faire pour éviter de basculer dans la violence car sinon il ferait le jeu du camp d’en face, lui donnant carte blanche pour frapper et réprimer encore plus fort et sortir au bout du compte vainqueur de ce jeu vicieux.
  • Le mouvement vert doit modérer ses demandes et ses revendications s’il veut obtenir des résultats dans la durée et de façon progressive. Sahabi demande par ailleurs d’éviter d’appeler ce mouvement une révolution et de faire un parallèle avec la révolution de 1979. Il pense que seul un mouvement de réforme progressif et installé dans la durée peut aboutir à des résultats concrets.
Il faut rappeler que cette lettre fait suite aux événements de la journée de l’Achoura pendant laquelle les manifestants ont riposté pour la première fois, en lançant des pierres et en encerclant les forces de l’ordre, en brûlant leurs voitures et les photos d’Ali Khamenei. Une controverse s’en est effectivement suivie, certains commentateurs qualifiant la riposte du peuple de violente. Ce jour là, au moins 8 manifestants étaient tués à Téhéran dont un écrasé de façon délibérée par une voiture de police (le vidéo a fait depuis le tour du monde) et le neveu de Mir Hossein Moussavi froidement et délibérément assassiné.

Ezatollah Sahabi soulève en effet deux points très importants et a le mérite de poser des questions quasi identitaires pour un jeune mouvement de libération qui va entrer dans son 8ème mois. Est-ce que riposter, comme l’ont fait les manifestants le jour de l’Achoura, est basculer dans la violence? Les manifestants agressés ont-il le droit de se défendre? Faut-il neutraliser et désarmer un basiji qui s’apprête à frapper ou à arrêter un manifestant? Il est vrai que certains agents des forces de l’ordre ont été frappés ou blessés par les jets de pierre. Mais il n’y a pas eu de lynchage. Au contraire, certaines photos (voir ci-dessous) montrent que les agents blessés étaient même protégés par certains manifestants (un agent blessé, à qui les manifestants ont donné une écharpe verte pour s’essuyer le visage en sang).

Cette vielle figure de l’opposition iranienne conseille aux verts de ne pas envenimer une situation déjà tendue, de ne pas mettre de l’huile sur le feu et surtout et de ne pas s’enfermer dans l’illusion d’un pays entré dans une phase révolutionnaire. Autrement formulée, cette demande revient à ne pas réclamer directement un changement de régime ou le départ de Khamenei.

Notre but n’est pas de répondre à ces questions découlant de la lettre de Sahabi mais de prolonger ce débat et de demander aux lecteurs de ces lignes de prendre part au débat en laissant des commentaires.

Un mouvement transformationnel, populaire et totalement spontané qui s’interroge, qui tâtonne, qui commet parfois des erreurs et qui est en permanence à la recherche de la bonne parade contre la tyrannie et contre l’expression la plus brutale et inhumaine de la violence est tout simplement un mouvement qui mûrit et qui fait preuve d’une vigueur intellectuelle saine et pleine de promesse.

Le texte de la lettre de Sahabi en Anglais et en Persan: lien

Lire aussi:
Le Monde du 28.12.09: Pouvoir et opposition se radicalisent en Iran

Photos montrant les manifestants protégeant des agents blessés

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