Pages

mercredi 13 janvier 2010

Nelson Mandela : homme de paix

« Nelson Mandela, un homme profondément humain »
Jack Lang, député du Pas-de-Calais, a écrit en 2005 un livre consacré à Nelson Mandela. Un « homme de paix » qu'il se plait à nous raconter à l'occasion de la sortie sur les écrans d'« Invictus ».

PROPOS RECUEILLIS

PAR BÉRANGÈRE BARRET

berangere.barret@nordeclair.fr

Pourquoi avoir écrit ce livre sur Nelson Mandela ?

La raison première est que je me suis engagé très tôt dans la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, dans les années 75-80, à un moment où beaucoup de pays étaient assez indifférents à cette situation. Quand je suis devenu ministre de la Culture en 1981, j'ai apporté un soutien plus actif encore à des mouvements culturels sud-africains, à des journaux et puis surtout j'ai, avec d'autres, pris l'initiative d'un comité international de lutte contre l'apartheid. Quand Mandela a été libéré, après 26 ans d'enfermement, il a entrepris un voyage et Paris fut l'une des premières villes où il s'est rendu. J'ai eu la chance de le rencontrer pour la première fois ce jour-là. Je l'ai ensuite rencontré quatre fois.

Comment le décririez-vous ?

Il est profondément humain et d'une extrême intelligence. Mais ce qui impressionne au-delà de tout c'est son itinéraire. Cet homme qui, venant d'une famille plutôt « aristocratique », est parvenu à devenir avocat et s'est engagé petit à petit. Il n'est pas né libérateur d'Afrique du Sud : il a progressivement pris conscience, à travers les humiliations, à quel point la situation était inacceptable. C'était un homme de non-violence. Quand il a été arrêté et condamné à l'emprisonnement à perpétuité, c'est parce que l'ANC s'attaquait aux infrastructures. Il disait : « Jamais nous n'avons attaqué une personne. » Il a été son propre avocat lors du procès, et c'est encore grâce à son courage qu'il a échappé à la pendaison. Il a dit à ses juges : « Je suis prêt à mourir mais pas à renoncer à mon idéal qui est la réconciliation des Noirs et des Blancs. » Et puis cet homme, écrasé, a tenu à sa sortie du bagne un langage de réconciliation. « Je veux construire une nation arc-en-ciel », disait-il.

Comment analysez-vous ses années de pouvoir ?

Des années de paix, de réconciliation. Le pays a progressé économiquement, même s'il reste aujourd'hui de l'insécurité, de la pauvreté.

Nelson Mandela vous a-t-il influencé personnellement ?

 Dans mon panthéon personnel, j'ai eu la chance de le rencontrer, ainsi que d'autres personnages de cette envergure morale et intellectuelle : Vaclav Havel, Pierre Mendès-France... Ce sont des hommes d'État qui savent s'élever au-dessus de leur clan et qui osent adopter des positions courageuses qui font changer le monde.

Irez-vous voir le film « Invictus » ?

 Je l'ai déjà vu. C'est un bon film, haletant, poignant. Je souhaite que beaucoup de jeunes le voient. Cela peut aider à prendre conscience que la politique est aussi une grande chose, qu'elle peut être la réconciliation, le courage et pas nécessairement la bassesse ou la petitesse. (Source La voix du Nord)  

Sortie du film " Invictus ". Une coupe et la naissance d’une nationNelson Mandela croyait en sa cause et est parvenu à l’emporter. Clint Eastwood s’est retrouvé dans cette figure héroïque dont il pourrait être le double symbolique. 
Invictus, de Clint Eastwood. États-Unis. 2 h 12.
En 1994 en Afrique du Sud, l’heure est venue pour l’histoire de basculer. La majorité noire prend le pouvoir, mettant ainsi fin au sinistre régime de l’apartheid. Nelson Mandela, cinquante ans précisément après avoir rejoint les rangs du Congrès national africain (ANC), auréolé par les vingt-sept années de prison qui ne seront pas parvenues à l’abattre, leader incontestable et incontesté ayant pratiqué la non-violence avec une efficacité telle qu’elle lui a valu le prix Nobel de la paix l’année précédente, est élu président de la république d’Afrique du Sud. Le film le rappelle brièvement comme il y reviendra allusivement au fil des situations. Mais, pour l’essentiel, le film ne relève pas de la biographie, tant il se déroule sur une courte période, d’une part, tant il ignore les conseils des ministres, la situation économique et presque tous les aspects courants des responsabilités, d’autre part. 

l’emploi au mérite contre le clanisme 
Tirée du livre de John Carlin Déjouer l’ennemi, l’œuvre ne semble dans un premier temps n’avoir qu’un but : nous montrer comment une élection ne transforme pas tout dans l’instant. C’est ainsi que l’action se concentre sur la tête que fait la garde rapprochée noire de Mandela quand elle voit arriver en renfort les gros bras des services secrets blancs dont on ne jurerait pas de la sympathie spontanée pour le nouveau président. Mais c’est Mandela lui-même qui les a intronisés, quitte à avoir introduit des vipères en son sein. Ainsi prend-il le pari de la réconciliation en pratiquant l’emploi au mérite contre le clanisme et l’esprit de revanche. 
un Blanc pour partager ses vues 
Noble attitude qui va s’amplifier lors de la conduite à tenir face aux Springboks, l’équipe nationale de rugby, aussi blanche que honnie par les Noirs qui pratiquent le foot et soutiennent l’adversaire quel qu’il soit. De surcroît, les joueurs sont mauvais tant le boycott international de ceux-ci en rétorsion contre l’apartheid a porté ses fruits. Le peuple demande la tête de ces hommes, qu’on change le nom, les couleurs et les hymnes. Seul Mandela s’y opposera dans sa sagacité politique. Il sait que s’il commence à s’en prendre au sport des Blancs, la faillite de la démocratie et celle du développement ne sont pas loin. Il trouvera un Blanc pour partager ses vues, François Pienaar, le capitaine afrikaner de l’équipe.
Mandela a raison, Mandela a toujours raison. Cela pourra irriter ceux à qui le mot d’hagiographie donne des boutons. À ceux-là on répondra : regardez comment John Ford décrit Lincoln dans Young Mr. Lincoln. Ce n’est pas un hasard si l’hymne africain dont nous ne comprenons pas la langue dit « Dieu bénisse l’Afrique » comme, aux États-Unis, l’hymne dit « God bless America ». Si Clint Easwood s’est mêlé d’une page de l’histoire sud-africaine, c’est bien évidemment qu’il retrouvait en celui qui n’a jamais rompu au Cap ceux qui n’ont pas baissé les bras dans ses films passés une figure christique triomphante par la foi en la justesse de la cause. Si continuité thématique il y a, marque parmi d’autres du cinéma d’auteur, on trouve également ici une continuité esthétique, une foi là encore, dans le cinéma tel que le codifia Hollywood en sa période classique, plénitude du récit, apport de tous les techniciens, budget au niveau du sujet, direction consommée des acteurs (Morgan Freeman et Matt Damon). Le cinéma comme on ne peut que l’aimer. 
Jean Roy ( source l'humanité)





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire