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vendredi 8 janvier 2010

Un an après: le combat: de Helen Suzman


Témoin de l'édification de la ségrégation institutionnalisée, cette dame respectée par tous n'a jamais hésité à prendre la parole, dans son pays comme à l'étranger, pour dénoncer, au nom de ses idées libérales, les injustices. Ce combat lui a apporté quelques satisfactions mais, constate-t-elle aujourd'hui, "il y a encore une longue route à faire". Elle ajoute : "Le changement est inévitable mais cela prendra beaucoup plus de temps que les gens ne le croient." Un changement que le futur président, M. Frederik de Klerk, n'engagera que "jusqu'à un certain point".

En trente-six années de vie parlementaire, le député du Parti fédéral progressiste (PFP) s'est opposé à tous les chefs de gouvernement nationalistes, de Malan à Botha, sans jamais baisser les bras. John Vorster avait dit d'elle qu' "elle était pire que dix membres du United Party", la formation qu'elle a servie jusqu'en 1959 avant de participer à la création du PFP. Elle se souvient encore avec amusement d'un dessin humoristique représentant un cauchemar de Vorster : dix Helen Suzman tournaient au-dessus de sa tête...

Croisé des droits de l'homme, elle n'a cessé de harceler le pouvoir contre les emprisonnements arbitraires, les détentions sans jugement, les déplacements forcés de population, les lois draconiennes sur la sécurité, les restrictions sur les personnes. Elle intercède au nom des exclus, des bannis, des victimes de l'apartheid, au nom "des ennemis de l'Afrique du Sud", comme lui avait rétorqué John Vorster.

Le successeur de ce dernier, M. Pieter Botha, avait, en 1966, accusé Helen Suzman et "ses amis libéraux" d'être responsables de l'assassinat de Hendrik Verwoerd, premier ministre de l'époque et père du grand apartheid. Du bout des lèvres, l'actuel chef de l'Etat lui avait présenté, contraint et forcé, des excuses. Elle ne lui a jamais vraiment pardonné.

Pendant treize ans, de 1961 à 1974, elle fut l'unique représentante de l'opposition au Parlement, vigile solitaire face à ce qu'elle avait nommé, par un excès de langage qui ne lui est pas courant, "une foule sanguinaire". Souvent qualifiée de "poule caquetante" par M. Pieter Botha, M. Helen Suzman ne s'est jamais départie de son flegme. En riant, elle déclarait, en 1982, qu'avec un peu de chance elle tiendrait le coup plus longemps que le seul parlementaire qui ait siégé plus longtemps qu'elle, l'actuel président de la République.

En fin de compte, elle quitte la scène politique quelques mois avant lui. Helen Suzman s'en va sans regret avec le sentiment du devoir accompli. La classe politique a rendu hommage à cette conscience personnalisée, cette perturbatrice permanente d'un régime sûr de son bon droit. Le premier ministre britannique, Mme Margaret Thatcher, qui sait ce qu'est une femme de tête, a joint sa voix au concert de louanges, saluant "cet exemple de la lutte pour la justice et pour la paix"

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