Pages

samedi 12 décembre 2009

Au-delà du Principe de violence




Dans un texte écrit au début de la Première Guerre mondiale et intitulé
« Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort », Freud écrit :
« Lorsqu’une décision aura mis fin au sauvage affrontement de cette
guerre, chacun des combattants victorieux retournera joyeux dans son
foyer, retrouvera sa femme et ses enfants, sans être occupé ni travaillé par
la pensée des ennemis qu’il aura tués dans le corps à corps ou par une
arme à longue portée ». Ainsi l’Homme civilisé peut n’éprouver aucun
sentiment de culpabilité vis-à-vis du meurtre. Freud fait remarquer qu’il
n’en était pas ainsi de l’Homme primitif : «Le sauvage, note-t-il, n’est
nullement un meurtrier impénitent. Lorsqu’il revient vainqueur du sentier
de la guerre, il n’a pas le droit de pénétrer dans son village ni de toucher sa
femme avant d’avoir expié ses meurtres guerriers par des pénitences souvent
longues et pénibles». Freud conclut en soulignant que l’Homme primitif
faisait ainsi preuve d’une «délicatesse morale qui s’est perdue chez
nous Hommes civilisés ».
Ainsi, l’Homme véritablement « civilisé », s’il s’est trouvé pris au piège
de la nécessité qui l’a contraint à tuer son adversaire, n’a-t-il pas le goût de
fêter une quelconque victoire. Il ne cherche pas à se disculper par une
quelconque justification, mais il veut prendre le deuil de celui qui est mort
de ses mains. Après le meurtre de l’ennemi, la « civilisation » exige le port
du deuil, tandis que la « sauvagerie » incite à fêter la victoire.
Au moment même où l’Homme ne sait faire autrement que recourir à
la violence pour s’opposer à la violence qui menace de le détruire ou de
détruire son prochain, il lui faut se ressouvenir que seule la non-violence
donne à son existence son véritable sens. Car c’est seulement à cette
condition qu’il saura n’accorder à la violence que ce qui est strictement
imposé par la nécessité. Faute de quoi, c’est la violence qui s’emparera de.
son destin. Ce n’est qu’à partir de la reconnaissance de l’exigence de non-violence
qu’il est possible de réduire la violence à la stricte nécessité. Car
si l’Homme ne se situe pas résolument dans la dynamique de la non-violence,
il retombera inéluctablement dans la logique de la violence.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire